Les relations entre la Chine et l’Inde, deux géants démographiques et économiques de l’Asie, ont connu de nombreuses fluctuations au cours des dernières décennies. Cet article se propose d’analyser en profondeur les différentes étapes de cette évolution, mettant en lumière les enjeux politiques, économiques et stratégiques qui y sont associés.
Des débuts prometteurs à la guerre de 1962
Après l’indépendance de l’Inde en 1947 et la création de la République populaire de Chine en 1949, les deux pays ont entamé une période de bonnes relations bilatérales. La célèbre visite du Premier ministre indien Jawaharlal Nehru en Chine en 1954 a marqué un tournant dans leur rapprochement sur la base des « Cinq principes de coexistence pacifique ». Toutefois, cette harmonie fut de courte durée. Le conflit frontalier sino-indien éclate en 1962, exacerbant les tensions entre les deux voisins et mettant fin à cette première phase d’amitié.
Une normalisation progressive des relations
La guerre de 1962 a laissé des traces profondes dans les relations bilatérales, mais un processus lent et difficile de normalisation s’est amorcé par la suite. La visite du Premier ministre indien Rajiv Gandhi en Chine en 1988 a constitué une étape importante dans cette direction, les deux pays s’engageant à résoudre pacifiquement leurs différends territoriaux. Les tensions demeurent néanmoins vives, comme en témoigne le conflit armé de courte durée en 1987, dit « incident de Sumdorong Chu ».
Le renforcement des liens économiques et commerciaux
Malgré ces rivalités persistantes, les relations sino-indiennes ont également connu un essor économique important depuis les années 1990. La Chine est devenue l’un des principaux partenaires commerciaux de l’Inde, avec un volume d’échanges dépassant les 100 milliards de dollars en 2019. Les deux pays ont également développé des coopérations dans les domaines des infrastructures, de l’énergie ou encore des technologies de l’information. Cette interdépendance économique constitue un facteur d’apaisement, mais elle génère également des tensions, notamment en raison du déséquilibre commercial en faveur de la Chine.
La rivalité stratégique et militaire : un obstacle à la confiance mutuelle
En dépit du rapprochement économique, les relations sino-indiennes restent marquées par une forte défiance sur le plan stratégique et militaire. L’Inde considère avec inquiétude la montée en puissance de la Chine dans l’Océan Indien et sa politique dite du « collier de perles », consistant à nouer des alliances avec les pays riverains pour sécuriser ses voies maritimes. De son côté, la Chine s’inquiète des liens de l’Inde avec les États-Unis, ainsi que de la question du Tibet, où le gouvernement en exil du Dalaï Lama est basé en Inde depuis 1959. Les récents affrontements armés à la frontière sino-indienne en 2020 ont ravivé les tensions entre les deux pays et témoignent des limites de leur rapprochement.
La coopération multilatérale : un terrain d’entente
En dépit de leurs rivalités, la Chine et l’Inde ont su trouver des terrains d’entente sur la scène multilatérale. Ils sont ainsi membres fondateurs du groupe des BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud) et participent activement à l’Organisation de coopération de Shanghai (OCS). Ces instances leur permettent de défendre leurs intérêts communs, notamment en matière de développement économique et de lutte contre le terrorisme.
Les relations sino-indiennes demeurent complexes et ambivalentes, oscillant entre rivalités et coopération. L’évolution future de ces rapports dépendra en grande partie du règlement des contentieux territoriaux et de la capacité des deux puissances à surmonter leurs défiances stratégiques pour construire un partenariat solide et durable.